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L'usage du monde

11 juillet 2016

Zéro

ATTENTION !! LE ROMAN SE LIT DE BAS EN HAUT (comme dans les mangas mais pas vraiment pareil) Avertissement au lecteur Si notre lecteur n'a pas envie de connaître la ristourne de toute l'histoire qui va suivre, qu'il ne lise pas cette note, qui lui enlèvera...
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12 août 2016

Quatre

Tous trois étaient là, dans l'ombre folle du grand baobab. Rien ne bougeait sauf les grillons. Quelques mygales allaient manger leurs diners avec leurs grosses pattes pleines de poils, et faisaient "miam miam" avec leurs petites voix. Un chimpanzé se grattait la tête à deux kilomètres de là, en se demandant ce que sa femme lui avait demandé de ramener pour le diner. Il était un peu tête en l'air, et mangeait un peu trop de bananes si bien que sa femme se lassait de lui. PRès de là, dans un marigot, trois hippopotames femelles faisaient un concours de celui qui éclabousse le plus loin en entrant dans l'eau, mais c'était toujours madame POPO qui gagnait parce qu'elle était la plus grosse. Sous une pierre, un scarabée chantant appelait une femelle, parce qu'il était en rut. Il n'avait pas vu de femelle depuis au moins trois mois, ce qui représente à peu près la moitié de sa vie parce qu'il allait mourir dans trois mois et qu'il était né il y a trois mois, et il avait très faim de rencontrer enfin une femelle scarabée, donc il faisait beaucoup beaucoup de bruit. Tout alentour faisait du bruit sans le savoir, et les trois hommes les entendaient sans les écouter. Tout était seul au monde et en même temps entouré de la vie dans ses apparitions les plus petites et les plus belles. Le boléro de Ravel chantait toujours. 

19 juillet 2016

Trois

Georges ne me vit pas, mais je vis Georges. Avec sa barbe presque roussie par les étés, ses cheveux noirs bouclés et son profil d'oriental, avec son complet beige et kaki, ses grandes oreilles à l'affut et ses yeux petillants, il marchait comme un chat au milieu des herbes brûlées. Ses grandes jambes souples et musclées frôlaient à peine la terre sèche, et de temps en temps un hippopotame soufflait dans un marigot voisin. Il avait à la lèvre un sourire énigmatique, et à la main un fouet immense et un fusil de chasse, bien qu'il ne sût pas se servir de ces objets. 

A sa lèvre une chanson d'antan, il scrutait l'horizon de son regard persan, et approchait pas à pas le papou en émoi. Le papou l'avait vu. Il murmura des borborygmes et des claquement de langues et des gutturalités, pour montrer son étonnement. Il se gratta même la feuille sacrée sur sa tête, ce qui était dans sa communauté de papou un signe de suprême perplexité. 

Alors qu'il n'était plus qu'à cinq mètre du papou, sous le baobab, Georges s'arrêta. Il claqua alors des doigts, et un jeune négrillon (c'est comme un grillon mais pas vraiment) muni d'une énorme valise accourut en ahanant. 

Il posa la valise aux pieds de son maître, et s'assit dans l'herbe pour jouer aux osselets contre lui-même. 

 

Georges alors ouvrit la valise avec un grand CLAC et elle se développa d'un coup, comme les boîtes à outils magiques qui disposent de tiroirs secrets, en une panoplie de cases et d'ouvertures qui se déployèrent sous les yeux effarés du papou. 

Georges commença par actionner une manette située sur le côté gauche de la valise. Des lumières électriques qui fonctionnaient grâce à l'énergie du soleil qui avait été captée par la valise, s'allumèrent brillamment dans la nuit de la savane. Un disque en vinyle se mit à tourner quelque part vers la droite, laissant sortir le Boléro de Ravel à toute berzingue, ce qui contribua à installer dans ce coin de nuit une ambiance douce et feutrée, presque familière. 

 

19 juillet 2016

Deux

 

Je ne bougeais pas. Dans ces situations les zoulous sont souvent très perturbés lorsque des éléments inattendus s'immiscent dans leur paysage. Sa situation, bien qu'extrêmement délicate puisqu'il avait l'entièreté de sa jambe brisée, n'était pas insoutenable. Tout papou d'afrique qui se respecte peu se tirer sans grave problème d'une banale chute de baobab. Les baobabs, d'ailleurs, sont de gros arbres qui au fond n'ont aucune animosité pour les papous, ni pour aucun être d'ailleurs. Comme les éléphants, ils sont trop imposants et dégagent trop de choses sacrées pour avoir la mesquinerie d'être bassement rancuniers. 

Le potamochère continuait son raffut doré sans se soucier de la terre qui tourne, des hommes persécutés pour leur petite taille, ou des enfants qui n'ont pas eu de dessert. Il trouvait une certaine magie à remuer la terre autour de lui, à ce qu'on en entendait. 

Le papou lança une plainte plus aigüe, mais on sentait dans la pointe de la plainte une modulation étrange et comme sortie de nulle part, à la manière du soleil qui en mourrant sur la mer à Etretat jette parfois sur l'horizon entier un rayon vert qui hypnotise et frappe les foules de badauds. Puis, on ne l'entendit presque plus, sinon un remuement d'herbes de temps en temps. 

Depuis mon abri sur la branche d'un jujubier, je ne voyais qu'à peine ce qui se déroulait. La nuit déjà presque complète ne permettait plus de voir grand chose, et la fatigue embruait mes yeux tous mouillés de poussière et de fatigue accumulée. Je plissais les yeux encore une fois, jaugeant quel serait le bon moment pour sortir de mon abri, mais ne parvenant pas à me décider. 

 

Puis, soudain, je vis Georges. 

 

8 juillet 2016

Un.

J'observais sans rien dire le papou au loin qui bronchait dans son baobab. Il avait avalé des feuilles de travers et tentait de racler le fond de sa gorge à grands bruits d'éructation, se grattant d'une main aux ongles cassés et sales le creux susternal, comme pour enlever à travers la peau du cou les fibres qui génaient sa trachée. Au dessus de sa tête emplumée et pavée de brindilles sacrées d'arbres aux essences diverses, on apercevait le rouge du soleil couchant qui noyait l'horizon. Ma bouche était sèche et mon manteau plein des poussières accumulées pendant la journée s'agitant autour de moi. 

Soudain la silhouette malingre du papou s'agita de droite à gauche et de gauche à droite violemment, faisant bouger les branchouilles au somment du baobab. Il poussa un cri très aigu, fit trembler sa tête que je distringuais à peine à la hauteur où j'étais, et soudait on vit sa carcasse chuter en un ultime soubresaut, au bas du baobab. 

Un bruit de bris d'os, la chute avait été mauvaise pour le papou, et un petit gémissement à peine distinct. Trois corneilles qui s'envolent, puis rien. On sentait la chaleur rauque d'un potamochère qui quelque part grattait la terre en soulevant la poussière ocre. Je n'osais m'avancer, sachant que cette heure tardive était privilégiée par les lionnes pour partir à la recherche d'un cuissot d'algazelle ou un fémur de zèbre laissé dans la puanteur de l'été. 

 

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